Améliorer le Régime de rentes du Québec pour faire face aux défis de la retraite
Par Michel Lizée, Économiste retraité, Service aux collectivités, UQÀM
Des régimes publics qui assurent une couverture universelle, mais insuffisante
Il est généralement convenu qu’il faut remplacer à la retraite 70 à 75 % du revenu avant la retraite pour maintenir le niveau de vie une fois à la retraite. Or, les régimes publics sont très loin de ce taux de remplacement visé. Par exemple, une personne qui aurait travaillé toute sa vie en gagnant le salaire industriel moyen et qui prend sa retraite en 2015 en ne comptant que sur les régimes publics ne recevra des régimes publics que 40% de son revenu avant la retraite, comme l’illustre le tableau suivant :
Brève description | Prestation | |
Pension de sécurité de vieillesse |
Un mot sur les trois régimes publics :
- La Pension de sécurité de vieillesse est versée à tous les résidents Canadiens de 65 ans et plus (l’âge d’admissibilité passera à 67 ans de 2023 à 2029), y inclus les personnes qui ont immigré au Canada après 1977 et qui comptent 40 ans de résidence ici.
- Le Régime de rentes du Québec et son frère jumeau dans les autres provinces canadiennes, le Régime de pensions du Canada, remplacent 25% du revenu gagné jusqu’à un plafond salarial de 53 600 $, pour une rente maximale de 12 780 $. La rente est plus faible pour une retraite prise entre 60 et 65 et plus élevée pour une retraite prise après 65 ans. Ce régime offre également une rente d’invalidité et une rente de conjoint survivant. Au 31 décembre 2013, la rente annuelle moyenne s’élevait à 5 695 $ mais avec un écart important de 50% entre les hommes et les femmes : 4 589 $ pour les femmes et 6 887 $ pour les hommes (Régie des rentes du Québec, 2014 61) : on est donc bien loin des plafonds mentionnés plus haut !
- Le Supplément de revenu garanti est en quelque sorte l’aide sociale des plus de 65 ans (67 ans après 2029). La prestation maximale pour une personne seule s’élève à 9 173 $ mais diminue de 75¢, puis de 50¢ pour chaque 1$ de revenu autre que la PSV. Au Québec, en 2011, 52% des femmes et 42% des hommes étaient assez pauvres pour recevoir le Supplément de revenu garanti du fédéral, ce qui indique bien le problème de faible revenu des personnes âgées.
Le tableau suivant, compilé par l’économiste Ruth Rose, permet d’avoir une vue d’ensemble des revenus des personnes de plus de 65 ans au Québec en 2011 :
Revenus des personnes âgées de 65 ans et plus, Québec 2011 | |||
Source du revenu | Hommes | Femmes | Ratio F/H |
PSV |
Source : Calculé à partir de Ministère des Finances et de l’Économie et ministère du Revenu, (2014)
Ce tableau permet de mettre en évidence les faits suivants :
- Les femmes n’ont que 59% du revenu moyen des hommes ;
- Mais les régimes publics referment cet écart, car les femmes obtiennent des régimes publics 92% du revenu des hommes ;
- Les régimes publics représentent 32% du revenu des hommes et 50% du revenu des femmes, illustrant bien l’importance beaucoup plus grande des régimes publics pour les femmes afin de compenser la faiblesse de leurs revenus privés.
La Régie des rentes a voulu avoir un portrait d’ensemble en tenant compte de l’ensemble des sources de revenus. Sa conclusion a été que 38 % des travailleurs et travailleuses n’ont rien et un autre 17 % n’a qu’un « potentiel faible d’atteinte d’un niveau adéquat de remplacement du revenu » (Régie des rentes du Québec, 2010, p.59), comme l’illustre le graphique suivant :
À l’autre extrême, seulement 27% des travailleurs et travailleuses auraient un «potentiel élevé d’atteinte d’un niveau adéquat de remplacement du revenu à la retraite» (Régie des rentes du Québec, 2010, p.59). Un système de retraite qui ne fonctionne pas pour la majorité des travailleurs et travailleuses est un système qui ne fonctionne pas.
La clé : améliorer les régimes publics
Des débats sont en cours depuis plusieurs années pour s’attaquer à ce problème de couverture insuffisante. Des discussions au niveau des ministres fédéral et provinciaux des finances avaient amené une majorité de provinces à privilégier également une amélioration des régimes publics, mais le gouvernement Harper a mis fin unilatéralement aux discussions.
Le mouvement syndical canadien et, au Québec, une impressionnante coalition d’une centaine de groupes communautaires, de femmes, de retraités et de jeunes mise sur pied à l’initiative de la FTQ propose une amélioration importante des régimes publics (RPC et RRQ). Plus précisément, les revendications sont les suivantes :
- Améliorer progressivement le RRQ : a. La rente passe de 25 % à 50 % du revenu gagné ; b. Le plafond du revenu couvert passe de 53 600 $ à 70 000 $, soit le même plafond que celui pour la CSST ou le RQAP ; c. Augmenter l’exemption sur les cotisations de 3 500 $ à 7 000 $, ce qui atténue l’impact de cette amélioration pour les bas salariés et leurs employeurs.
- Augmenter immédiatement le Supplément du revenu garanti d’au moins 15 %
Alors que le taux de cotisation actuel au RRQ pour les salariés et l’employeur s’élève à 5,25%, il suffirait d’une modeste augmentation de 3% employés et employeurs pour doubler la rente, et il en coûterait à peine plus (5,5%) pour verser le plein 50% de la rente entre 53 600$ et 70 000 $. Le tableau suivant permet de voir la hausse de la cotisation et l’augmentation de prestations qui en découle selon le niveau de revenu.
Il est intéressant de savoir que l’Ontario, malgré le blocage des conservateurs à Ottawa, va de l’avant pour mettre sur pied une amélioration au Régime de pensions du Canada pour les travailleurs et travailleuses ontariennes, sous le nom de Régime de retraite de la province de l’Ontario (RPPO). Le régime ontarien :
- Fait passer de 25% à 40% le taux de remplacement du revenu jusqu’au MGA actuel de 53 600 $ ;
- Va aussi verser ce 15% additionnel sur le revenu entre 53 600 $ et 90 000 $, pour une rente maximale possible de 25 908 $ (barème 2015) ;
- Va nécessiter pour ce faire une cotisation de 1,9% des salariés et des employeurs.
Le coût de cette amélioration est modeste. L’un des prétextes des gouvernements libéraux et péquistes qui se sont succédés et s’opposaient à une amélioration du RRQ était qu’améliorer le RRQ sans une amélioration correspondante dans les autres provinces nuirait à la compétitivité des entreprises québécoises. Maintenant que l’Ontario bouge, qu’attend donc le gouvernement québécois pour avancer ? D’autant plus que pendant la dernière campagne électorale, l’actuel ministre des Finances, Carlos Leitao, a affirmé que «Le RVER devrait favoriser l'épargne, mais ce n'est pas suffisant » (Ducas, 2014). Il préconisait plutôt une amélioration graduelle du Régime des rentes du Québec (RRQ), jugeant qu’il serait plus efficace que d’autres solutions.
Conclusion
Les améliorations au RRQ revendiquées par le CTC, la FTQ, les groupes de femmes et une coalition de groupes amélioreraient significativement la couverture pour l’ensemble des travailleurs et relèveraient immédiatement le niveau de vie des plus pauvres. De plus, elles réduiraient significativement le coût et le risque des régimes complémentaires existants tout en réduisant l’écart entre ceux qui ont un régime et ceux qui n’en ont pas, un enjeu à la fois social et politique. La révision périodique du RRQ, prévue pour l’automne prochain, constitue une opportunité pour revendiquer une mise à niveau du Régime pour maintenir la parité avec l’Ontario. Mais, austérité oblige, il y a un risque que le gouvernement actuel préconise plutôt une autre ronde de coupures au RRQ pour assurer ce qu’il va qualifier sa « pérennité ».