La précarité financière des aînés : des faits à rectifier
Suite à la chronique intitulée « Le mythe de la précarité financière des aînés », publiée le 28 novembre dernier dans les pages de La Presse, l’Observatoire de la retraite souhaite préciser certains faits. Deux affirmations ont principalement retenu notre attention et nous croyons qu’elles méritent d’être nuancées. S’il est exact de dire que les aînés se retrouvent moins sous le seuil de pauvreté (d’après la Mesure du panier de consommation [MPC]) que les autres groupes d’âge et que le taux de remplacement est élevé chez les personnes qui ont gagné de faibles revenus durant la vie active, il faut toutefois regarder les faits en face.
Le programme fédéral de la Sécurité de la vieillesse comprend la Pension de la sécurité de la vieillesse (PSV) ainsi que le Supplément de revenu garanti (SRG). Pour une personne aînée âgée entre 65 et 74 ans ne recevant que les montants du programme de la Sécurité de la Vieillesse, le montant maximal combiné (PSV+SRG) pour une personne seule est de 1815 $ par mois au dernier trimestre de 2024. Les personnes seules et sans contraintes à l’emploi sur l’aide sociale ont en 2024 des allocations de 807 $ par mois. Un calcul simpliste afin de montrer comment se calcule le taux de remplacement nous amène à un taux de 225 % pour une personne passant de l’aide sociale au programme de la Sécurité de la vieillesse, un taux très élevé.
Cependant, et ce que des associations d’aînés et de retraités avancent avec raison, est qu’il est tout à fait possible d’avoir un taux de remplacement du revenu important et/ou un faible taux de pauvreté et d’avoir de faibles revenus. Il est possible d’avoir un taux de remplacement de 225 % et de ne gagner que 1815 $ par mois (21 780 $ par année) à la retraite. Il est très difficile de ne vivre qu’avec 21 780 $ par année en 2024, peu importe si ce montant permet d’être au-dessus ou non du seuil de pauvreté calculé selon la MPC. Notre système de retraite, de manière générale, fait en sorte que les personnes avec les taux de remplacement les plus élevés sont dans le bas de l’échelle de revenu et que les personnes ayant les plus hauts revenus durant leur vie active ont aussi les taux de remplacement les plus faibles, même si leur revenu à la retraite est supérieur aux personnes ayant des taux de remplacement plus élevés.
Le taux de pauvreté peut être mesuré de différentes manières. Un autre indicateur fréquemment utilisé est celui de la Mesure de faible revenu (MFR). Celui-ci est fixé sur une proportion (généralement 50 %) du revenu médian de l’ensemble de la population. Puisque les revenus des personnes aînées augmentent moins vite que ceux de l’ensemble de la population (les revenus d’emploi augmentent d’environ 3 % par année contrairement à environ 2 % pour l’inflation), le taux de pauvreté des 65 ans et plus mesuré par la MFR augmente depuis quelques décennies.
Le taux de remplacement, le taux de pauvreté et les actifs sont des indicateurs intéressants, mais insuffisants afin d’évaluer la situation financière des personnes aînées. Allons au cœur de l'enjeu. Que disent les statistiques sur le revenu annuel des personnes aînées ? Au dernier recensement, le revenu annuel médian des personnes de 65 ans et plus était de 30 000 $ (35 300 $ en dollars de 2024). Cela veut dire que la moitié des personnes aînées vivaient avec moins de ce montant. Plus précisément, c’étaient 39 % des personnes de 65 ans et plus qui vivaient avec moins de 25 000 $ (29 400 $ en dollars de 2024) par année et 19 % qui vivaient avec moins de 20 000 $ (23 530 $ en dollars de 2024) par année.
Quant à l’actif financier, celui-ci sert à être décaissé et ainsi contribuer au revenu de retraite. Force est d’admettre que cet actif net accumulé durant la carrière, bien qu’il puisse sembler intéressant et élevé pour certains d’un premier abord, ne permet pas aux personnes aînées de bénéficier de revenus suffisants et d’un niveau de vie confortable pour la majorité d’entre eux. On est loin de la coupe aux lèvres en matière de revenu des personnes aînées et beaucoup reste à faire en ce domaine.