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La qualité et le coût des types de régimes de retraite : l’épreuve des faits

La qualité et le coût des types de régimes de retraite : l’épreuve des faits

Par Riel Michaud-Beaudry, Observatoire de la retraite

L’objectif des régimes complémentaires de retraite (RCR) est de permettre aux personnes retraitées d’atteindre plus facilement un bon revenu de retraite. Les RCR devraient en effet permettre à leurs membres d’obtenir une plus grande sécurité financière et de meilleurs rendements que l’épargne-retraite individuelle, réalisée notamment au travers des Comptes d’épargne libre d’impôts (CÉLI) ou des Régimes enregistrés d’épargne-retraite (REÉR). Cette plus grande performance des RCR est peu connue du grand public. Pour cela, les déterminants gagneraient à être mieux documentés et vulgarisés.

L’étude intitulée The value of a good pension : How to improve the efficiency of retirement savings in Canada[1] constitue une importante contribution à ce chapitre. Publiée en 2018, cette étude commandée par le régime de retraite des employés de la santé de l’Ontario (HOOPP) n’a pourtant que très peu retenu l’attention. La présente chronique vise à présenter les faits saillants de ce document afin de mieux le faire connaître. Elle revient d’abord sur les cinq déterminants retenus contribuant à la performance d’un véhicule d’épargne utilisés dans l’étude, qui sont détaillés et quantifiés à l’aide de la littérature scientifique. Ensuite, elle présente les effets de ces déterminants en les appliquant à cinq véhicules d’épargne différents, allant d’une approche d’épargne-retraite exclusivement individuelle à une approche d’épargne-retraite au travers d’un régime de retraite collectif de qualité.

Les déterminants de la performance d’un régime de retraite

L’atteinte d’un taux de remplacement de 70 % du salaire de fin de carrière pour procurer un revenu de retraite décent nécessite des cotisations dont le montant varie en fonction de la performance du régime dans lequel ces cotisations sont faites. Ainsi, un régime de qualité, ou performant, nécessitera moins de cotisations qu’un régime de moins bonne qualité pour atteindre un même niveau de remplacement du revenu ainsi que la même sécurité financière. L’étude résumée ici a identifié cinq déterminants de la performance affectant l’épargne-retraite qui sont mentionnés dans le tableau 1 avec certains de leurs impacts financiers.

Les cinq déterminants de la performance influencent à différents niveaux la constitution d’un patrimoine d’épargne-retraite. Ils sont aussi interdépendants car, par exemple, une bonne gouvernance diminuera les frais de gestion. Dans tous les cas, les RCR offrent à leurs membres de meilleures caractéristiques que l’épargne individuelle, tous déterminants confondus.

Les cinq déterminants à l’épreuve d’une simulation

Afin de calculer le niveau total de cotisations nécessaires pour atteindre un certain niveau de vie et le taux de rendement de chaque dollar cotisé, les auteurs de l’étude commandée par HOOPP ont généré un cas représentatif des travailleurs canadiens, Sophia. Ainsi, entre autres, cette personne gagne un revenu de début de carrière de 40 000 $ et travaille de son 25ème à son 65ème anniversaire avant de décéder à l’âge de 92 ans. Les calculs visent à estimer les cotisations totales et le revenu de retraite par dollar cotisé nécessaires pour toucher un revenu de retraite équivalent à 70 % du salaire des cinq dernières années de carrière. D’autres prémisses à la modélisation sont incluses dans l’étude.

L’exemple de Sophia est utilisé pour calculer la performance de cinq canaux d’épargne, allant d’une approche typiquement individuelle à une approche où les cotisations sont déposées dans un régime à prestations déterminées. La première approche centrée sur l’épargne réalisée et gérée par le travailleur prend en compte la façon dont l’épargnant moyen se comporte typiquement. Ainsi, l’épargnant moyen cotise généralement dans un fonds commun de placement par le biais de programmes comme le REÉR ou le CÉLI et fait des choix plus ou moins en accord avec les meilleures pratiques telles qu’identifiées dans les guides sur la planification financière[10]. De l’autre côté du spectre, les régimes à prestations déterminées du secteur public optimisent les cinq déterminants de la croissance pour le bénéfice de leurs membres. Le tableau 2 montre quel est l’écart entre ces deux pôles en matière de performance pour une travailleuse comme Sophia.

Les économies générées par un emploi optimal des cinq déterminants de la performance sont impressionnantes. La participation de Sophia à un régime PD modèle comme ceux de la fonction publique génère des économies d’environ 900 000 $ sur l’ensemble de la vie par rapport à une approche individuelle typique. Pour un niveau de revenu et de sécurité similaire, il en coûte donc quatre fois plus en termes de cotisations dans une approche individuelle typique. Des cinq déterminants de la performance, la mutualisation des risques est celui qui permet le plus d’économies pour Sophia, soit environ 400 000 $, car elle n’a pas à épargner pour des années qu’elle ne vivra pas et ses cotisations peuvent être investies dans un portefeuille plus diversifié et plus risqué, générant de meilleurs rendements. Une autre façon de comprendre l’effet de la qualité des régimes est en calculant le rendement de chaque dollar cotisé. Ainsi, selon le véhicule d’épargne auquel Sophia participerait, chaque dollar cotisé générerait entre 1,7 et 5,32 dollars de revenu de retraite.

Conclusion

La structure et les caractéristiques des régimes de retraite influencent énormément le niveau de cotisation nécessaire pour bénéficier d’un niveau de vie adéquat à la retraite. La question n’est pas de savoir si nous avons les moyens de bénéficier de bons régimes de retraite, mais plutôt de savoir si nous avons les moyens de nous en passer. Selon les auteurs de l’étude, afin de guider les décisions gouvernementales en matière de retraite, certains principes devraient être au cœur des discussions visant à améliorer le système de retraite, comme :

  • Procurer aux organismes de régulation comme Retraite Québec les capacités, les pouvoirs et la flexibilité d’encadrer les régimes de retraite ;
  • Augmenter la portée des régimes de qualité en permettant à d’autres milieux de travail d’y adhérer ;
  • Rendre l’épargne plus simple et automatique dans les régimes CD ;
  • Décourager davantage les retraits avant la retraite des comptes d’épargne-retraite immobilisés ;
  • Promouvoir la transparence quant aux coûts et frais de gestion ;
  • Encourager une bonne gouvernance fiduciaire ;
  • Améliorer la mutualisation des risques des régimes CD pour la période du décaissement des rentes.

L’amélioration des régimes de retraite existants ou l’augmentation de leur couverture à une plus grande proportion de la population permettrait d’améliorer le rendement de chaque dollar cotisé et le sort des Québécois et Canadiens. Il s’agit d’autant d’argent pouvant servir à d’autres usages pour les individus.


[1] Voir la référence complète dans la rubrique Ressources documentaires

[2] Shillington, R. (2015). An Economic Analysis of the Circumstances of Canadian Seniors.

[3] Strategic Insight. (2019). Monitoring Trends in Mutual Fund Cost of Ownership and Expense Ratios – 2017 Update.

[4] Great-West Life. (2012). The strength of CAPs in Canada’s retirement market.

[5] Ambachtsheer, K. (1er août 2017). The “Canada Model” for Pension Fund Management : Past, Present, and Future. The Ambachtsheer Letter

[6] Morningstar. (2017). Mind the Gap : Global Investor Returns Show the Costs of Bad Timing Around the World.

[7] Ambachtsheer, K., Capelle, R. et Lum, R. (2006). Pension Fund Governance Today: Strengths, Weaknesses, and Opportunities for Improvement. International Centre for Pension Management.

[8] National Institute on Retirement Security. (2014). Still a Better Bang for the Buck : An Update on the Economic Efficiencies of Defined Benefit Pensions.

[9] National Institute on Retirement Security. (2014). Still a Better Bang for the Buck : An Update on the Economic Efficiencies of Defined Benefit Pensions.

[10] Investment Funds Institute of Canada. (2012). Monitoring Trends in Mutual Fund Cost of Ownership and Expense Ratios.