L’avenir du système de retraite au Québec : trois enjeux du débat en cours
Publié dans le magazine Quoi de neuf ?, Automne 2014
Par François L’Italien, Chercheur, Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) et Frédéric Hanin, Professeur, Département de relations industrielles, Université Laval
Le débat sur l’avenir du système de retraite au Québec est bel et bien engagé. Il est marqué par deux tendances très révélatrices de l’état de la délibération collective sur cette question : d’une part, l’accent est principalement mis sur des aspects techniques – mais particulièrement sensibles – des régimes de retraite, qui reposent surtout sur des arguments de type comptable et actuariel. Bien que ces aspects soient importants, ils contribuent cependant à confiner le débat dans une logique d’experts, qui a donné lieu à une guerre de chiffres où le commun des mortels peine à se retrouver.
D’autre part, l’empressement de l’actuel gouvernement du Québec à vouloir « régler » rapidement la question des retraites est manifeste. Les campagnes électorales municipales de l’automne 2013 ont été un catalyseur important de cette approche, qui fait valoir l’« urgence d’agir » face à une situation qui serait devenue intenable. Dans plusieurs cas, cet empressement a mené à une sur-simplification des données financières associées à la retraite, créant du coup une série d’oppositions (les jeunes contre les vieux, les contribuables contre les employés du secteur public, les salariés contre les retraités, etc.) qui ont polarisé le débat.
Au bout du compte, ces deux tendances n’ont laissé que bien peu d’espace à la discussion des enjeux de fonds concernant la question de la retraite. Cette discussion est pourtant un préalable nécessaire pour agir de manière structurante sur l’avenir de la retraite au Québec. Cette question ne pourra en effet être « réglée » par une série de bricolages répondant à des motifs électoralistes.
Le système de retraite est un tout composé de parties interdépendantes, qui assure des fonctions économiques de premier plan pour l’ensemble de la société québécoise, actuelle et à venir. Il répond de certaines valeurs et engagements collectifs qui ont présidé à sa mise en place et qui ne peuvent être écartés du débat. Il repose enfin sur un compromis social portant sur le partage de la richesse entre les salariés, les retraités et les employeurs.
Bref, la question des régimes de retraite est une question à plusieurs entrées, dont l’avenir dépend essentiellement de notre compréhension des enjeux ainsi que des choix de société que nous effectuerons au cours des prochaines années. Nous voudrions ici contribuer à cet exercice de délibération en identifiant trois enjeux qui sont au cœur du débat en cours.
- Le soutien au revenu de retraite : vers une précarisation financière des personnes vieillissantes ?
- L’absence d’amélioration significative de la couverture des régimes publics universels, tels que le Régime de rentes du Québec et le Régime de pensions du Canada. À l’origine destinés à offrir un filet de sécurité minimal pour les personnes vieillissantes, ces régimes ont pris une place de plus en plus grande depuis les années 1990 dans la composition du revenu de retraite, sans qu’ils ne soient réellement bonifiés. Au cours des dernières années, ces régimes universels ont montré leur importance, en particulier auprès de ceux et celles qui ont subi directement les chocs du déclin du secteur manufacturier et de la crise financière de 2008.
- Le développement des régimes à cotisations déterminées et des RÉER collectifs en remplacement des régimes à prestations déterminées. Ce processus de substitution aux régimes existants ou de remplacement en l’absence de régimes complémentaires a eu un effet néfaste sur la qualité de la couverture à la retraite. Ce sont des outils d’épargne individualisés, où toute l’incertitude repose sur les épaules des personnes isolées. Ces outils ont été conçus pour des situations particulières d’emplois (travailleurs autonomes, travailleurs temporaires ou à contrats) à une époque où ces situations de travail étaient encore marginales.
- La participation des retraités au système de la retraite : quel poids dans les décisions concernant l’avenir des régimes ?
- L’épargne-retraite et les stratégies de placement : quels choix pour le développement du Québec ?