Les cousins pauvres encore plus pauvres. Une analyse de la proposition d’amélioration du Régime de rentes du Québec
Ruth Rose, Professeure associée, Département de sciences économiques, Université du Québec à Montréal
En juin 2016, neuf provinces et le gouvernement fédéral se sont mis d’accord pour une amélioration modeste du Régime de pensions du Canada (RPC) (voir Bulletin de la retraite N°15 – juillet-août 2016). Le projet de loi C-26, prévoyant une entrée en vigueur de l’amélioration le 1er janvier 2019, a obtenu la sanction royale le 15 décembre 2016.
Québec, qui n’a pas signé l’entente, propose à la place une modification encore plus modeste. Le 8 décembre 2016, le gouvernement du Québec a rendu public l’évaluation actuarielle du Régime de rentes du Québec en date du 31 décembre 2015, ainsi qu’un document de consultation sur l’avenir du RRQ[1]. Ce document propose trois scénarios : le statu quo, le scénario RPC et le scénario Québec.
Le scénario RPC
Déjà, l’entente de Vancouver pour le RPC est excessivement « modeste », lorsqu’on le compare au Régime de retraite de la province de l’Ontario (RRPO) qui aurait augmenté le taux de remplacement de 15 points de pourcentage à 40 % ou la proposition du Congrès de travail du Canada (CTC) et de la Fédération des travailleuses et travailleurs du Québec (FTQ) qui visait un taux de 50 %. Comme l’illustre le graphique, la bonification du RPC ne profitera que peu aux personnes à faible salaire. Pour les couples dont les revenus d’avant la retraite sont inférieurs à environ 70 000$, les gains seront aussi très faibles.
Le scénario Québec est encore plus chiche en ne donnant absolument rien aux personnes ayant gagné moins de 27 450 $ (34 % des femmes et 24 % des hommes âgés de 25 à 59 ans en 2013) et très peu aux gens gagnant entre 27 450 $ et 54 900 $ (38 % des femmes et 34 % des hommes). Ce dernier groupe est celui qui a le plus de difficulté à maintenir son niveau de vie après la retraite.
Au MGA, pour une personne seule, le scénario RPC donnerait une augmentation de la rente de 4 353 $ et une augmentation du revenu maximum fourni par les trois régimes de retraite de 2 267 $ avant impôt. Le scénario du Québec donnerait une rente additionnelle de 2 176 $ et un revenu de retraite bonifiée de 1 088 $. Aux couples ayant un revenu conjoint de 70 000$ avant la retraite, le RPC donnerait des rentes additionnelles de 5 550 $ et une augmentation du revenu provenant des régimes publics de 2 775 $. Le scénario Québec leur donnerait 1 189 $ en rentes RRQ et 595 $ en revenu de retraite.
Le scénario Québec vise surtout à fixer un taux de cotisation inférieur à celui du RPC
Le graphique 2 illustre les effets des deux scénarios sur les taux de cotisation.
En 2017, le taux de cotisation au RRQ sera de 10,8 % après six années d’augmentation[3], alors que le taux du RPC est resté à 9,9 % et y restera pour l’avenir prévisible. Effectivement, comparativement au reste du Canada, la population du Québec a une proportion de personnes âgées plus grande, les gens demandent leur rente plus hâtivement, les salaires sont plus faibles et ont augmenté moins rapidement au cours des dernières années.
Le document de consultation (p.18) affirme que « le scénario privilégié par le Québec [...] propose une bonification ciblée et plus modeste que le scénario RPC et vise notamment à atteindre un effort de cotisation comparable au reste du Canada pour une personne ayant un revenu équivalent au MGA ». Effectivement, au MGA le taux effectif de cotisation au RPC sera de 5,57% à partir de 2024 et celui du scénario Québec sera de 5,56 %. En haut du MGA, les taux seront aussi très proches malgré le fait que le taux nominal au Québec sera de 8,1% comparativement à 8,0 % pour le RPC.
Cette préoccupation d’égaliser les taux de cotisation et, donc, de rendre les entreprises du Québec plus compétitives apparaît clairement comme l’objectif principal du scénario du Québec. L’amélioration du revenu de retraite des Québécoises et Québécois ne semble pas compter pour grande chose dans le scénario mis de l’avant.
Les autres propositions pour les rentes de retraite et d’invalidité
Hausser l’âge d’admissibilité à la rente : Afin d’encourager le travail des personnes âgées face à une pénurie de main-d’œuvre appréhendée et afin de soulager les pressions financières sur le Régime, le document propose de hausser l’âge d’admissibilité à la rente de retraite, à 62 ans par exemple, sans hausser l’âge normal de la retraite (65 ans) et de recalculer les facteurs d’ajustement actuariels pour la rente anticipée ou ajournée. Il ne spécifie pas les paramètres exacts de cette proposition
Assouplir le critère d’admissibilité au montant additionnel pour invalidité (MAPI) pour les personnes âgées de 60 à 64 ans. Actuellement, ce montant est versé aux personnes qui ont déjà demandé leur rente de retraite tout en continuant de travailler, mais qui subissent une invalidité totale (incapacité d’exercer tout emploi). Le document propose de verser le MAPI également aux personnes qui ne sont plus capables d’exercer leur emploi habituel mais qui continuent de travailler dans un autre emploi. On peut soupçonner que cet assouplissement vise à répondre à la critique que la hausse de l’âge d’admissibilité à la retraite est inéquitable à l’égard des personnes exerçant des emplois pénibles.
Ni la Loi sur le RPC, ni le scénario Québec ne prévoit une augmentation de la partie uniforme de la rente d’invalidité. Alors celle-ci sera bonifiée uniquement en fonction de l’amélioration de la rente de retraite.
Les rentes de conjoint survivant
Les femmes constituent 72% des bénéficiaires d’une rente de conjoint survivant avant 65 ans et 77% des personnes qui en reçoivent après 65 ans.
Les rentes de conjoint survivant pour les personnes âgées de moins de 65 ans sont composées d’une partie uniforme (PU), plus un montant variable fixé à 37,5% de la rente de retraite du cotisant décédé. Actuellement les parties uniformes au RRQ sont plus élevées que celles du RPC, comme le montre le tableau qui suit. Si les propositions du Québec sont adoptées, toutes les rentes de conjoint survivant payables entre 45 et 64 ans seront réduites.
Note : Les survivants invalides du RRQ et du RPC ont droit à une rente combinée composée d’une partie uniforme de 5 652 $ plus les parties variables des deux types de rentes (75% de leur propre rente de retraite plus 37,5% de la rente de retraite du décédé) mais avec un maximum égal au maximum de la rente de retraite. Le maximum annuel est, donc, de 18 762 $, alors que le maximum de la rente d’invalidité seule est de 15 489 $ et celui de la rente de conjoint survivant de 10 573 $.
Après 65 ans, la plupart des survivants ont droit à une rente combinée retraite-survivant[4]. Deux formules sont prévues :
- Hausse du taux de remplacement du revenu d’avant la retraite de 25 % à 33,3 %;
- hausse du maximum des gains admissibles (MGA) de 14%, à 62 600 $ (en dollars de 2016) ; on appelle le nouveau maximum le maximum supplémentaire des gains admissibles (MSGA) ;
- hausse du taux de cotisation de 2% (partagée entre employeurs et employés) sur les gains entre l’exemption de base (3 500 $) et le MGA (54 900 $ en 2016); cette hausse sera étalée entre 2019 et 2023 ;
- introduction en 2024 et 2025 d’une nouvelle cotisation de 8 % sur les gains entre le MGA et le MSGA ;
- prestations supplémentaires basées sur les meilleurs 40 ans de cotisations sans l’exclusion actuelle de 17% (15% au RRQ) et sans l’exclusion de la période où une femme avait la charge d’un enfant de moins de 7 ans ;
- pleine capitalisation, ce qui implique que la première prestation supplémentaire complète sera versée en 2026 et la première pleine prestation seulement en 2065 ;
- augmentation de la Prestation fiscale pour revenu de travail (PFRT) pour aider les petits salariés à payer les cotisations ; cette mesure aiderait les personnes seules gagnant moins d’environ 20 040 $ et les couples gagnant moins d’environ 30 380 $[2] ;
- les nouvelles cotisations feront l’objet d’une déduction plutôt que d’un crédit d’impôt non remboursable, ce qui aidera les personnes dont le revenu dépasse 45 282 $ (2016).
- Les premiers 27 450 $ (la moitié du MGA) seraient exemptés de la hausse de la cotisation, mais aussi d’une amélioration de la rente ;
- La nouvelle cotisation sur les gains entre le MGA et le MSGA serait de 8,1 % au lieu de 8,0 %.
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- 60 % de sa propre rente plus 60 % de la rente du décédé – souvent plus avantageuse pour les femmes.
- 100 % de sa propre rente plus 37,5 % de la rente du décédé - généralement plus avantageuse pour les hommes.