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Vieillissement, emploi et retraite : panorama international

Conseil d’orientation des retraites, France Le Conseil d’orientation des retraites (COR) en France conduit des études comparatives, à titre illustratif, des problématiques traitées pour la France, sur un panel de dix pays représentatifs de la diversité des systèmes de retraite dans les pays industrialisés : l’Allemagne, la Belgique, le Canada, l’Espagne, les Etats-Unis, l’Italie, le Japon, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède. Le présent texte constitue la note de présentation générale d’un dossier présenté lors d’une des séances du COR consacrée à ces études comparatives. Ce dossier, qui comporte des documents qui sont référencés dans le texte, présente les principales caractéristiques des systèmes de retraite et leurs évolutions depuis la crise (première partie du dossier) ; il fait ensuite le point sur leurs situations financières et leurs modalités de financement (deuxième partie).
  1. Les systèmes de retraite et les réformes depuis la crise
Les systèmes de retraite peuvent être présentés comme des ensembles à quatre niveaux, même s’il est possible que certains de ces niveaux n’existent pas dans tous les États[1] plutôt qu’en différents piliers – terminologie qui renvoie à une conception plus normative des systèmes de retraite selon laquelle chacun des piliers devrait être développé, voire être de même importance : - le rez-de-chaussée : les minima de retraite ou « retraites planchers » – tous les pays en ont au moins un visant à assurer un socle de solidarité commun à tous les retraités ; - le premier niveau : les retraites de base – par répartition dans tous les pays, sauf aux Pays-Bas qui ne disposent pas de premier niveau collectif obligatoire ; - le deuxième niveau : les retraites professionnelles - en capitalisation, sauf en France où les régimes complémentaires professionnels obligatoires sont en répartition et sont généralisés aux salariés et aux indépendants (il existe aussi des régimes supplémentaires professionnels en capitalisation mais qui restent assez marginaux). Les dispositifs professionnels en capitalisation ne sont pas explicitement obligatoires (ils le sont souvent à l’échelle de certaines branches d’activité) – avec des différences de couverture selon les catégories socio-professionnelles, même si aux Pays-Bas et en Suède plus de 90 % de la population active est couverte par ce type de plan ; - enfin le troisième niveau : les retraites individuelles, facultatives, en capitalisation uniquement, qui dépendent de la capacité d’épargne des individus. Les régimes par répartition constituent donc le socle commun à tous les systèmes de retraite des pays étudiés, et les régimes en capitalisation viennent en complément et sont plus ou moins développés selon les pays. Il est possible, à partir des données de l’OCDE, qui distinguent les revenus des ménages dont la personne de référence a plus de 65 ans, de classer les systèmes de retraite étudiés en combinant la part des revenus de ces ménages provenant des transferts publics (retraites planchers et de premier niveau) et le niveau de vie des plus de 65 ans rapporté à celui des actifs. Des systèmes de retraite très divers, reposant sur des architectures et des règles différentes, peuvent ainsi contribuer à obtenir les mêmes résultats en matière de niveau de vie relatif des plus de 65 ans. C’est le cas par exemple des systèmes de retraite français et italien, reposant sur un modèle public et collectif, et des systèmes de retraite américain et canadien, qui renvoient plutôt à un modèle privé et individuel ; dans ces différents pays, le niveau de vie des plus de 65 ans est proche de celui des actifs. Classification des systèmes de retraite classification des systemes de retraite Source : SG-COR d’après les données de l’OCDE, 2013. La comparaison des systèmes de retraite reste en tous les cas délicate car elle ne peut pas se faire sans tenir compte du contexte spécifique à chaque pays, comme l’illustre l’exemple précédent de classification : le niveau de vie relatif des plus de 65 ans est proche aux États-Unis et en Italie, alors même que la part des retraites publiques dans les revenus des plus de 65 ans varie du simple au double entre ces deux pays (environ 35 % et 70 %). En particulier, la comparaison des différents paramètres des systèmes de retraite doit être effectuée avec prudence car ces paramètres peuvent renvoyer à des réalités différentes sous couvert de termes identiques. Il en est de même pour la comparaison des situations financières des systèmes de retraite car les écarts en la matière peuvent renvoyer à des différences de périmètre des retraites publiques, de types de financement et de pratiques de finances publiques. Les systèmes de retraite des pays étudiés par le COR et plus généralement leurs systèmes de protection sociale subissent une crise financière et économique sans précédent, de par son ampleur et sa durée. Dans ce contexte, les systèmes de protection sociale ont joué leur rôle traditionnel d’amortisseur en début de crise[2]: en 2009, les prestations sociales ont été le principal contributeur de la stabilisation du revenu disponible des ménages. Mais, face à la durée de la crise, les systèmes de protection sociale peinent à protéger les revenus, en particulier dans les pays les plus durement touchés. L’effet stabilisateur s’est affaibli dans de nombreux États membres de l’Union européenne (UE) en 2012 alors que les revenus se contractaient à nouveau. De fait, les systèmes de protection sociale n’ont pas été conçus pour faire face à une crise aussi durable et il est à prévoir des évolutions si la crise perdurait, comme cela a déjà été le cas avec les réformes des systèmes de retraite depuis 2008, notamment sur les âges de la retraite ou sur les revalorisations des pensions[3].
  1. Vieillissement et situations financières des systèmes de protection sociale et de retraite
La Commission européenne et l’OCDE sont les principaux producteurs de données comparatives portant sur la situation financière des systèmes de retraite. Le Comité de politique économique, à la demande du Conseil Ecofin, a mis en place un groupe de travail sur le vieillissement – Ageing Working Group (AWG) – chargé de présenter au Conseil tous les trois ans des projections d’évolution à long terme de toutes les dépenses publiques liées à l’âge (dont les retraites). Dans ses derniers travaux de projection[4], l’AWG fait état de différences entre les États membres de l’UE en termes de niveau et d’évolution des dépenses liées à l'âge : - une baisse des dépenses totales liées à l’âge par rapport au PIB est prévue dans huit États membres (dont la France, l’Italie et l’Espagne). Dans tous ces pays, en particulier le ratio « retraites / PIB » diminuerait à long terme ; - pour un autre groupe de pays (dont la Suède et le Royaume-Uni), le ratio « dépenses liées à l’âge / PIB » devrait croître modérément ; - le ratio « dépenses liées à l’âge / PIB » augmenterait plus fortement dans les dix États membres restants (dont les Pays-Bas et l’Allemagne), avec en particulier une augmentation du ratio « retraites / PIB » dans tous ces pays. Les différences d’évolution des dépenses liées à l’âge entre les États membres s'expliquent principalement par celles des dépenses de retraite, qui résultent en particulier de la diversité des régimes de retraite publics, de leur degré de maturité et des effets des réformes menées jusqu’à présent – ces effets contribueraient pour l’essentiel à la réduction prévue à long terme des dépenses publiques de retraite exprimées en pourcentage du PIB dans la majorité des États membres (dont la France, l’Italie, l’Espagne et la Suède). Le Panorama des pensions 2015 de l’OCDE[5] examine l’effet des récentes réformes des retraites – qui ont visé à renforcer le lien entre les cotisations versées et les prestations reçues – et souligne la nécessité de poursuivre les réformes au regard de l’endettement public. La poursuite des réformes devrait se faire, selon l’OCDE, en épargnant certaines catégories d’assurés, via notamment le maintien, et selon les cas le renforcement, des minimas de pension. Le Panorama des pensions 2015 de l’OCDE présente également toute une batterie d’indicateurs de politiques publiques en matière de retraite, couvrant différents thèmes : la conception des systèmes de retraite ; les droits futurs à pension des hommes et des femmes à différents niveaux de revenu ; le financement des systèmes de retraite ; le contexte démographique et économique dans lequel s’insèrent les systèmes de retraite ; les systèmes de retraite privés et les fonds de réserve des régimes publics. La publication intègre aussi une description synthétique des systèmes de retraite de tous les pays de l’OCDE et du G20. Le Haut Conseil du financement de la protection sociale a publié au cours de l’année 2014 deux rapports, le premier sur les perspectives des systèmes de protection sociale et le second sur leurs modes de financement[6]. Le premier met en avant les conséquences du vieillissement de la population sur l’équilibre financier à long terme de la protection sociale dans son ensemble, qui sont susceptibles de replacer les perspectives financières des régimes de retraite dans un cadre plus large. Le second souligne que la France se distingue par un haut niveau de dépenses sociales – au sein desquelles, toutefois, la structure par risques est proche de la moyenne observée dans l’ensemble des pays européens –, et par une structure du financement accordant une part importante aux cotisations sociales et aux impôts affectés aux régimes de protection sociale, au détriment des concours budgétaires directs de l’État ou des collectivités locales. La France se distingue également par une large autonomie du pilotage des finances sociales, qui vise à l’équilibre financier des régimes dans le cadre de lois financières annuelles dans le domaine de la sécurité sociale et d’accords interprofessionnels pluriannuels dans ceux de l’assurance chômage et des retraites complémentaires. Concernant les pensions privées, en capitalisation, les pertes d’investissement subies en 2008 étaient récupérées dans la quasi-totalité des pays de l’OCDE par les régimes professionnels et individuels en 2013. Cette progression s’est poursuivie en 2014 selon le rapport 2015 de l’OCDE, Pensions Market in Focus[7], portée principalement par une augmentation de la prise de risque des acteurs via des investissements sur des marchés étrangers et dans des produits non traditionnels comme le foncier ou les produits dérivés. Au cours de la dernière décennie (englobant la crise de 2008), la majorité des pays de l’OCDE ont vu globalement un déclin de la part des actions dans les placements de leurs fonds de pension, au profit à la fois des obligations et des produits non traditionnels. Enfin, ce dossier aborde la question des différences de niveaux de vie des actifs et des retraités en Europe[8]. La France apparaît comme l’un des pays européens où le niveau de vie des 65 ans et plus est le plus proche de celui des moins de 65 ans. Les raisons de cette position française demeurent peu étudiées. Selon une exploitation des données de l’enquête Statistics on Income and Living Conditions (EU-SILC), il apparaît que les différences de niveau de vie des 65 ans et plus entre la France et une sélection de pays européens s’expliquent principalement par les écarts de pensions brutes – ces dernières étant parmi les plus élevées en France –, alors que les différences de structures de prélèvement direct et, dans une moindre mesure, de structure sociodémographique jouent en sens inverse.
[1] Voir Document no.2 : http://www.cor-retraites.fr/IMG/pdf/doc-3173.pdf
[2] Voir Document no. 3 : http://www.cor-retraites.fr/IMG/pdf/doc-3174.pdf
[3] Voir Document no. 2 : http://www.cor-retraites.fr/IMG/pdf/doc-3173.pdf
[4] Voir Document no.4 : http://www.cor-retraites.fr/IMG/pdf/doc-3175.pdf
[5] Voir Document no.5 : http://www.cor-retraites.fr/IMG/pdf/doc-3176.pdf
[6] Voir Document no.6 : http://www.cor-retraites.fr/IMG/pdf/doc-3177.pdf
[7] Voir Document no.7 : http://www.cor-retraites.fr/IMG/pdf/doc-3178.pdf
[8] Voir Document no.8 : http://www.cor-retraites.fr/IMG/pdf/doc-3179.pdf